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Resistencia
Écrit par Maurice Simon
Maurice SIMON
Poèmes Resistencia
Avant-propos
J'ai pensé et structuré Resistencia dans le but de conduire une action de prévention des violences de masse dont les causes et effets ne cessent de m'interpeller et me questionner. Le temps passant, il m'apparaît aussi de plus en plus urgent de parvenir à prévenir également les violences du quotidien susceptibles de générer et d'exacerber des réactions en chaîne qui trouvent à s’exprimer à travers le vote et les réseaux « asociaux ». Je suis constamment troublé et déconcerté devant leur polymorphisme, et l'illustration caricaturale et régressive qu'elles offrent du genre humain qui ne ressemble en rien à la vision idéale de l'Homme que je me suis forgée avec le temps et l'expérience.
Si nous sommes tout à fait capables de concevoir un modèle d'homme théorique idyllique sur les plans spirituels, intellectuels et psychologiques mais aussi sur le plan de la bienveillance, la sociabilité, la compassion ou la miséricorde, pourquoi donc ne parvenons-nous pas à passer du modèle théorique à sa réalisation concrète ? Tandis que nous devrions, peu à peu, basculer vers l'état de culture, nous sentons bien que beaucoup trop d'hommes ne sont encore uniquement mus que par leur état de nature (leur sphère archaïque animale et instinctive) que vient corroborer et parapher la violence. De ce fait notre hominisation semble stagner et notre humanisation suspendue.
S'il m'est apparu impossible d'évoquer les phénomènes de violences de masse sans en décrire quelques effets assez bien connus et répertoriés, je me suis plutôt appliqué à méditer sur leur origine, leurs mécanismes et leur vocation.
Ce texte, comprenez-le comme une longue méditation métaphysique qui m'a parfois conduit au bord du vide, au bord de moi-même, et j'avais hâte d'en achever l'écriture car penser la violence suppose de descendre en soi, -profondément-, à la limite de notre humanité, sans cependant percevoir avec suffisamment de clarté les forces invisibles qui nous gouvernent. Parfois il m'est même arrivé de ne pas me plaire en ma propre compagnie.
Je pense que les violences résultent d'un dispositif de fonctions physiologiques vitales, primaires et archaïques qui furent essentielles à la perpétuation, la persistance et la propagation de l'espèce humaine mais que nous ne comprenons toujours pas, bien que pourtant elles diffusent, insaisissablement en nous, leur énergie vitale.
L'homme d'aujourd'hui m'apparaît doté d'un potentiel physiologique fossile et de fonctions et mécanismes primaires ayant perdu de leur utilité au cours des millénaires et notamment ces dernières années, en raison des évolutions scientifiques et technologiques venues modifier notre rapport de force à la nature et notre inclusion dans notre environnement.
Les hommes, en majorité et inconsciemment, conservent actives en eux l'ensemble de ces fonctions animales primaires, instinctives, naturelles et substantielles; il m'apparaît même que certaines violences ne seraient commises et leur mécanisme sollicité et rappelé que par nécessité de combler un défaut de nature, une forme d'oubli vital, qui serait appréhendé et présagé par la nature elle-même comme une sorte de menace impalpable pesant sur l'espèce et la vie animée : une sorte de rappel à l'ordre afin de ne pas mutiler ou néantiser cette fonction vitale. Il y a semble-t-il un conflit sous-jacent et totalement invisible qui se joue en nous : celui de l'évolution elle-même. Tandis qu'elle exige lenteur dans l'adaptation cohérente des espèces à leur milieu, les cent dernières années sont venues bousculer ce rythme immémorial et ancestral, et jamais les états de culture et les états de nature ne se sont autant affrontés s'exprimant d'ailleurs à travers des conflits tant individuels que collectifs.
A tous ceux qui s'étonnent du niveau des violences exercées aujourd'hui encore dans le monde, je serais tenté de répondre qu'elles ne sont que la forme déconcertante et paroxystique d'une énergie impulsant secrètement l'Homme à titre individuel, mais que le nombre et les regroupements d'individus augmentent exponentiellement.
En termes de violence 1+1 ne font pas 2, et 2+2 = X exponentiel
Ce constat établi, comment créer puis ordonner les réseaux de dérivation de cette énergie susceptible d'engendrer et générer de potentielles violences ? Comment les convertir et les transsubstantier en leur offrant une éclosion et des formes susceptibles de valoriser l'Homme et le rendant simplement et modestement humainement fréquentable et recommandable ?
On le voit bien, le problème est de résoudre cet apparent antagonisme entre évolution Darwinienne et évolution civilisationnelle. Les progrès technologiques et techniques ne s'accompagnent pas de progrès comparables et symétriques de l'espèce humaine d'un point de vue du métabolisme, de sa physiologie intime ou de la raison raisonnante.
Cette dichotomie née de rythmes évolutifs qui se sont différenciés n'a pas permis à la nature de mettre en œuvre d'éventuelles modes d’inflexions, évitements ou de déviations de notre « énergie fossile » et de ce fait l'Homme en est « encombré », provoquant une forme de « court-circuit énergétique » le conduisant à accomplir parfois des actes dont il ignore la véritable ascendance, la généalogie et le principe premier.
Privé de la capacité de se comprendre et subissant tandis qu'il croit agir librement, il détourne très souvent cette force en l'intellectualisant et en la transformant selon son humeur momentanée en vice, perversité ou méchanceté.
Si pour Nietzsche l'Homme est quelque chose qu'il nous faut surmonter, je voudrais modestement rajouter à ses côtés que l'homme est quelque chose qu'il nous faut contenir.
J'ai envisagé Resistencia comme un outil au service des enseignants et de l'ensemble des intervenants en prévention des violences, et plus largement aux femmes et hommes qui n'ont pas renoncé à une certaine conscience de l'altérité, et qui conservent encore, solidement ancré en eux, l'espoir d'une évolution et d'une métamorphose radicale de l'humanité vers son apaisement.
Ce travail, aussi modeste soit-il, s'est imposé à moi un peu comme un testament philosophique à l'attention de mes petits-enfants, simplement membres du genre humain. Puisse-t-il aider à la mobilisation et la lutte obstinée, résolue et pacifique contre toutes les formes de violence.
Suites : Voir poèmes
ICI PAS DE POURQUOI
« Tassés dans vos wagons
On vous a tatoués,
Tondus comme moutons,
Enfin...numérotés !
Votre peau désormais
Sera votre passeport,
Et un jour, -quel succès-...
Un objet de décor !
Devenir parchemin
Et pour l'éternité... !
De quel plus beau destin
Pouviez-vous donc rêver ?
Nous roulerons vos peaux
Comme rouleaux de Qumram,
Reliant in-folio
Tous les fils d'Abraham.
Quant à vous Zingaros,
Gitans, Romanichels,
Vous grimperez là-haut
Sans l'aide d'une échelle !
Sur les doigts de la main
Où se comptent vos jours,
Supposer un -demain-
C'est oser un -toujours-.
Les fours sont épuisés
De leurs vomissements
De cendres et de fumées
-Que refusent les vents !-,
Et l'espace, saturé
D'invisibles présences,
Semble même s'étonner
D'y croiser la conscience.
Puisque toute lumière
Semble avoir déserté
Notre esquisse de l’enfer
Que vous inaugurez,
Profitez de la nuit,
Du scintillement des corps
Embrasés aujourd'hui,
Luminescent décor !
« Ici, pas de Pourquoi ?
Et pas plus de Comment ?
Il n'y a plus d'autrefois,
Encore moins de présent !
À quoi servent vos questions
Quand vos heures sont comptées
Et que même vos noms
Ont été effacés ?
En toute lucidité,
Comme une dernière blessure,
Par vos morts calcinés
Calligraphiez au mur
Comme ultime vérité :
« Hier était le futur ».
UNE TOMBE AU CREUX DES NUAGES
Voyez au loin, là-bas
Les âmes s'élever
Drapées des falbalas
Légères des fumées !
Ainsi s'élancent-elles
Vers l'espace éthéré,
Étrange rituel
Qu'elles semblent observer.
Vous direz à vos sages
Qui vous ont abusés
L'appréciable avantage
Qu'on vous a réservé !
Vous étiez arrogants,
Ne tenant aucun compte
Des avertissements
De futures hécatombes.
Vous auriez pu cent fois
Partir et fuir ailleurs
Mais vous êtes, chaque fois,
Crus d'essence supérieure !
Vous rêviez nous dit-on
De nous faire disparaître ?
Dans l'extermination
Chacun trouve son maître !
En étant si nombreux,
Pouvions-nous avoir tort ?
La raison, c'est heureux,
Est privilège des forts !
À toujours contester
Nos antiques valeurs
Pouviez-vous espérer
Autre chose que malheur ?
Vous êtes si différents
Et méprisants du nombre
Qu'il est temps maintenant
De revêtir votre ombre.
A vouloir révoquer
Nos rites et nos prophètes,
Vous avez provoqué
Votre propre défaite.
Nos principes bafoués
Vous aviez tout à craindre !
À autant blasphémer
Ne venez pas vous plaindre !
On ne peut constamment
Indisposer les dieux
Sans risquer un moment
De voir s'ouvrir les cieux !
Le repos éternel,
Le duvet des nuées,
Et un grand arc-en-ciel
En guise d'oreiller.
Comme insigne karma
Et ultime rivage,
Votre tombe sera
Tout au creux des nuages.
Vous vouliez dominer ?
Vous règnerez là-haut !
Mieux vaut pour s'élever
Le feu que l'échafaud !
Sobibor
Le temps, patient, féconde l'oubli
Guettant les failles des mémoires,
Et l'utérus des théories
Enfante les rythmes de l'histoire.
L'homme est chose bien troublante
Où j'ose à peine m'aventurer,
Il me fascine ou m'épouvante,
Et crains ce qu'il peut inventer.
Oui, je le sais capable du pire,
Et parfois aussi du meilleur.
Parfois -heureux-, j'entends son rire
Ou -malheureux-, j'entends ses pleurs,
Mais ce que je sais avant tout,
C'est cette force qui l'entraîne
Dans ses abysses et leurs remous
D'où il peut faire surgir sa haine.
Fermant les yeux je vois flotter
Par un glacial matin d'hiver,
Tout au-dessus des cheminées
Les noires volutes de l'enfer.
J'entends la mère -suppliant-.
J'entends l'enfant -hurlant de peur-,
Et l'humanité, pour un temps,
Nourrie du sang et de l'horreur.
Ô Buchenwald ! Ô Sobibor !
Au bord du vide l'homme s'est penché,
Et par ces camps, triste décor,
L'espoir en l'homme s'en est allé.
Et puis de nous, très proches encore,
La Kolyma, Srebrenica,
Et tous ces murs, ces miradors
Donnant la mort, sonnant le glas.
Rien... nous n'avons rien retenu
De l'histoire et du sang versé,
Et puisque l'Homme n'est pas lu,
Tout pourrait bien recommencer.
Nous avons soigné les effets,
Mais bien peu agi sur les causes,
Et le temps corrompt et balaie
Les larmes et les « Ici repose ».
Que savons-nous vraiment de nous
Et que sais-je vraiment de moi ?
Suis-je mouton ou suis-je loup,
Ou suis-je les deux tout à la fois ?
Il nous faut suspendre le temps
Et puis, en toute lucidité,
Graver le nouveau testament
D’une nouvelle humanité.
POURTANT
Quand le jour n'est qu'un pâle prolongement de la nuit,
Que mourir peut paraître bien plus doux que de vivre
Et que les chiens, -féroces-, mordent aux chairs meurtries,
Comment oser encore imaginer survivre ?
S'étendre dans un trou avant même de mourir
Et trouver son sommeil, avant l'heure, dans la terre,
Récuser tout espoir en consentant au pire ;
S’abandonner au froid qui durcit les artères.
Lorsque le cri suture une trop grande souffrance,
Que le rêve la nuit, lui-même devient suspect
Et que la faim s'épuise de ses propres carences,
Comment oser encore espérer un « après » ?
Oublier, humilié, toute humanité,
Ne plus souhaiter le jour de peur qu'il ne se lève,
Et taire tout sentiment qu'encombre la pitié
Quand la botte achève l'homme qui se relève...
Quand tout souvenir du bonheur est meurtrissure
Que corrompt le poison de l'abjection humaine ;
Que le rire d’un enfant, -exhumé-, fait blessure,
Comment pouvoir encore endiguer sa haine ?
Pourtant...
Toute violence initiée signe une forme d'échec
Qui nous prive du pouvoir partiel de guérison.
Qui ne bannit le mal ou par lâcheté l'accepte,
Justifie bien des crimes et toutes leurs raisons.
Les chants d'oiseaux
J'écoute de loin en loin
S'éloigner les clameurs
Et le canon -lointain-
Faisant taire ses humeurs.
N'est-ce qu'une illusion ?
Ô, pourtant la lumière,
Subtile prémonition,
Stimule mes paupières…
J'ai surpris des regards
-Fuyants-, chez nos geôliers,
Et un peu de retard
Dans les coups assénés.
Les ordres sont moins clairs
Et bien moins aboyés
Dans la cour de l'enfer
Où nous sommes parqués.
On dirait que les chiens,
Eux-mêmes, sont plus discrets,
Mieux tenus à la main,
De leurs maîtres -plus près-…
Mais, pourquoi donc laisser
Affleurer cet espoir,
Sans même être assurés
D'être vivants ce soir ?
L'espérance est souffrance
Qui m'envahit soudain
Nourrie de l'indigence
De faméliques -demains- ?
Mais les coups pleuvent encore,
Et les schlagues s'obstinent
À labourer les corps
De leurs pauvres victimes.
Je m'en veux d'avoir cru
Au terme de mes tourments,
Jamais je n'aurai dû,
-Ceci est imprudent.
La violence et ses crues
Se régénèrent sans fin,
Et leurs flux inconnus
Empruntent tant de chemins !
Pourtant, pourtant, j'entends
Et plongeant de très haut
Des avions -mugissant-
Et hurlant, -staccato-.
Le ciel au loins'embrase
-Gigantesque crémation-,
Et de rouges métastases
Dévorent l'horizon.
Tous nos baraquements
D'habitude si tranquilles,
Bruissent, soudainement,
Impatients et fébriles.
À travers les lucarnes
J'observe nos cerbères,
Aux vagissements d'alarmes,
Fuir notre cimetière.
J'entrevois ces molosses
Soudain bien apeurés,
Et dans leur fuite précoce
Même s'entre-déchirer.
Quand ils s’effondrent à terre,
Ils semblent pétrifiés…
On ne peut plus rien faire,
Passe le jugement dernier :
Des zombis, émaciés,
S'appuyant sur leurs os,
Avec férocité
Écorchent leurs bourreaux.
Tous ces sangs qui ruissellent
S'épousent étrangement
Et leurs noces, -mortelles-,
Creusent encore le néant.
C'est étrange ce matin :
« J'entends des chants d'oiseaux » !
Qu'en sera-t-il demain ?...
Je me lèverai tôt.
Serait-ce trop indécent
D'oser imaginer
Pendant un court instant
Le malheur consumé ?
Condamné au présent
Et rêvant de futur,
J'hésite entre ces temps
Pour choisir mes blessures.
Enfants de Vulcain
Arpentant lentement
Mon inhumanité,
Je marche, prudemment,
De crainte de tomber.
Du haut de mes cratères
J'observe mes nuées
Ardentes fuser de terre
-Fasciné-, -envoûté-.
Mes laves incandescentes,
-Rougeoyantes-, -fébriles-,
Conçoivent, impatientes,
Leurs coulées indociles.
Sous mes flancs éruptifs
À leur point de fusion
Des tunnels expulsifs
Concentrent mes pulsions.
De mes chambres magmatiques
Parfois je sens monter
Des forces archaïques
Difficiles à nommer.
Combien je me méfie
Des hivers volcaniques
Quand tout semble endormi
Sous mes failles sismiques.
Que suis-je exactement
Et quelles forces me gouvernent ?
Que sont ces grondements
Au fond de mes cavernes ?
D'où proviennent mes rages
Et tous leurs déchaînements
Frappant comme l'orage,
Parfois si violemment ?
Qu'est donc cette énergie
Ou d'amour ou de haine,
Selon que je maudis
Ou au contraire j'aime ?
Constamment partagé
Entre -le bien-le mal-,
Comment donc surmonter
Ce paradoxe vital ?
Pourquoi suis-je capable
Du meilleur ou du pire,
De violences redoutables
Ou bien de compatir ?
Au fond de moi reposent
D'antiques Atlantides
Où fusionnent en secret
-Le sublime-, -le sordide-.
Mes plaques tectoniques
S'opposent constamment
Et de leur dialectique
Éclosent mes tourments.
Maudire ou adorer,
-Dérive des sentiments-,
L'humus de la psyché
Est un tapis roulant.
Qu'intime donc la vie
Au plus profond des chairs,
Et comment irradie
Notre - « moi » - nucléaire ?
L'Homme est une énigme
Que j'interroge sans cesse
Dans sa nature intime,
-Mémoire de l'espèce-.
Je suis un océan
Qui recherche ses îles
Que défendent des vents
Et des courants hostiles.
La divine tragédie
L'hécatombe nourrie
Vient le temps d'oublier ;
Pourquoi passer sa vie
À toujours ressasser ?
Les commémorations
Et les anniversaires
Ont-ils réglé le fond,
Su empêcher une guerre ?
N'est-il pas ambigu
Pour la paix du présent
De dresser des statues
Aux anciens combattants ?
Délestez vos mémoires !
Effacez à tout prix
Ces heures lacrymatoires
Qui encombrent l'esprit !
Les années ont passé
Et plus rien ne menace,
Pourquoi vouloir léguer
En dot vos angoisses ?
Vous faites constamment
Procès à la jeunesse,
La culpabilisant,
Projetant vos faiblesses !
Vos leçons de morale ?
Gardez-les donc pour vous !
Si le monde va si mal
Est-ce à cause de nous ?
Nous avons bien compris
Que l'Homme est imparfait,
Désespérant aussi
De le changer jamais !
Pourquoi donc s'encombrer
De jugements sur l'histoire
Sans jamais repenser
L'exercice du pouvoir ?
Combien de lendemains,
-Trafiquants de promesses-
Se sont mutés soudain
En passeurs de tristesse ?
Dans les strates successives
De futurs-épuisés-
Gisent mille tentatives
De mondes réinventés.
Le passé consumé
Et demain hésitant,
Il nous faut féconder
L'urgence du présent.
Nous voulons profiter
De nos nuits et nos jours,
Surtout : nous dispenser
De tous vos beaux discours !
Pouvoir nous enivrer
D'amour et d'insouciance,
Et de frivolité,
À en perdre conscience !
Vivre, chanter, danser,
Fuir un peu le réel
Tellement formaté
Qu'il nous brise les ailes.
Nous souhaitons nous griser
Des arômes du temps
Et chaque jour goûter
Ses parfums différents.
Que donc avez-vous fait
De vos promesses d'antan
Pour un monde parfait
« Ici et maintenant » ?
Si rien jamais ne change
Et tout se reproduit,
À quoi bon jouer l'ange
Sans preuve de paradis ?
Où se terrent les modèles
Pouvant nous inspirer,
Lumières universelles,
Modèle à transcender ?
Pauvres clowns dansants
Sur la corde de la vie,
Nous jouons, répétant,
La divine tragédie.
Pour déployer les ailes
De nos vies chrysalides,
Nous devons balayer
Le passé invalide.
Chaque génération
Nourrit ses utopies,
Fruits de ses passions,
Ses amours, ses folies.
Éloge du non
Quand tout semble sommeiller :
S'astreindre à réfléchir,
Penser et méditer
Pour s'exempter du pire ;
Conjuguer nos efforts
Pour forger en esprit
Un Homme bien plus fort
Pour affronter la vie,
En l'initiant très tôt
À la raison critique
L'exfiltrant du ghetto
De croyances antiques.
Il lui faudrait apprendre
À penser par lui-même,
Ne jamais condescendre
Aux lanceurs d'anathèmes,
Témoigner de courage,
Défendre ses opinions,
Refuser tout chantage,
Enfin : savoir dire NON !
Choisir de résister
Et ne jamais se taire
Face à la cruauté
Et bien sûr l'arbitraire.
Chercher sous l'apparence
Ce qui s'y tient caché,
Ainsi, sous les silences :
Les formes de lâcheté...
Condamner l'à-peu-près,
Refuser de paraître,
Juste oser être vrai
Sans jamais se soumettre ;
Être le porte-voix
Des hommes humiliés,
Les -sans toi-, les -sans droits-
Qui n'osent plus contester.
Lorsque tout semble acquis,
Que tout est consensus,
Contraindre son esprit
À faire un pas de plus.
La quête de vérités
Suppose une longue errance
Sans pouvoir s'arrêter,
Pour fuir toute croyance...
La réponse est mirage,
Une simple illusion,
Qui éloigne le sage
Que nourrit la question...
Apprendre à résister
Aux meneurs, aux gourous ;
Et jamais sacrifier
L'honneur d'un « Je » pour « Nous ».
Plaider ses convictions
Sans jamais renoncer,
Malgré l'opposition
Et les difficultés.
Déjouer sous le fard
Le mensonge, la fiction,
Mais avant tout : savoir
Pétrir ses opinions.
Dans l'espace et le temps
Qu'ensemble nous partageons,
Enjamber très souvent
La ligne d'horizon ;
Dilater ses pensées
Offrant d'autres dimensions
Au monde des idées,
Poussé à l'expansion.
Poser loin son regard
Où nul encore ne marche,
Et même s'il est tard
Penser construire une arche.
Qu'aurions-nous fait ?
Bien des années après
Nous nous interrogeons :
« Que donc aurai-je fait
Sous les années de plomb ? »
J’eus été courageux,
Indigne et déloyal ?
Intègre et vertueux,
Corrompu, immoral ?
Obsédante question
À laquelle, c'est vrai,
Chacun de nous répond
S'imaginant parfait.
Nous serions inspirés
Pourtant d'approfondir,
De longuement méditer
Pour ne pas nous mentir.
Par nature l'uchronie
Remodèle le temps,
Comme une chirurgie
Gomme l'atrophie des ans.
Ce que nous aurions fait,
Qui pourrait le savoir ?
Quel en est l'intérêt
Pour le sens de l'histoire ?
Pour savoir qui je suis
Et tracer mon chemin :
« Qu'ai-je fait aujourd'hui
Pour mériter demain ? »
« Qu'ai-je fait de ma voix
Dont tant d'autres sont privés,
Tandis que l'on perçoit
Tant de plaintes étouffées ? »
Me suis-je révolté
Pour ces enfants soldats
Que l'on a enrôlés
Contre quelques repas ?
Ils peuplent les charniers,
-Assassins ou victimes-,
Mais qui peut les juger
Et qui arme le crime ?
Quand me suis-je élevé
Pour défendre la raison
Si souvent méprisée,
Menacée de prison ?
Qui sauve du naufrage
Ces esprits juvéniles
Souvent pris en otage
De dogmes puérils ?
Mille combats à mener
Pour combler une vie ;
Mille raisons de lutter
Dans ce monde -aujourd'hui-.
Les causes ne manquent pas
Pour assumer sa part
Et les « je ne sais pas »
Sont déni de mémoire.
Le silence nous questionne
Sur notre identité
Et souffle qui nous sommes
Si l'on veut écouter ;
Ses thrènes hantent la nuit,
-Bouleversants, pathétiques-,
Et on dit qu'il maudit
Ses grossesses maléfiques.
Q'aurions-nous fait ?
Bien des années après
Nous nous interrogeons :
« Que donc aurai-je fait
Sous les années de plomb ? »
J’eus été courageux,
Indigne et déloyal ?
Intègre et vertueux,
Corrompu, immoral ?
Obsédante question
À laquelle, c'est vrai,
Chacun de nous répond
S'imaginant parfait.
Nous serions inspirés
Pourtant d'approfondir,
De longuement méditer
Pour ne pas nous mentir.
Par nature l'uchronie
Remodèle le temps,
Comme une chirurgie
Gomme l'atrophie des ans.
Ce que nous aurions fait,
Qui pourrait le savoir ?
Quel en est l'intérêt
Pour le sens de l'histoire ?
Pour savoir qui je suis
Et tracer mon chemin :
« Qu'ai-je fait aujourd'hui
Pour mériter demain ? »
« Qu'ai-je fait de ma voix
Dont tant d'autres sont privés,
Tandis que l'on perçoit
Tant de plaintes étouffées ? »
Me suis-je révolté
Pour ces enfants soldats
Que l'on a enrôlés
Contre quelques repas ?
Ils peuplent les charniers,
-Assassins ou victimes-,
Mais qui peut les juger
Et qui arme le crime ?
Quand me suis-je élevé
Pour défendre la raison
Si souvent méprisée,
Menacée de prison ?
Qui sauve du naufrage
Ces esprits juvéniles
Souvent pris en otage
De dogmes puérils ?
Mille combats à mener
Pour combler une vie ;
Mille raisons de lutter
Dans ce monde -aujourd'hui-.
Les causes ne manquent pas
Pour assumer sa part
Et les « je ne sais pas »
Sont déni de mémoire.
Le silence nous questionne
Sur notre identité
Et souffle qui nous sommes
Si l'on veut écouter ;
Ses thrènes hantent la nuit,
-Bouleversants, pathétiques-,
Et on dit qu'il maudit
Ses grossesses maléfiques.
Le requiem du temps
J'entends le pathétique
Requiem du temps,
Ses chants polyphoniques,
Ses notes couleur de sang.
Pourquoi, fermant les yeux
S'imposent à ma mémoire
La fureur et le feu
Comme visage de l'histoire ?
L'homme est-il condamné
À ne vivre que douleurs
À jamais enchaîné
À l'anneau du malheur ?
Quelles profondes raisons
Motivent sa violence ?
Quelles pièces à conviction
Produire pour sa défense ?
Sommes-nous si démunis
Qu'on ne puisse dompter
Cette pulsion de vie
Qui veut tout régenter ?
À quoi peut donc servir
La puissance d'une pensée
Si tout dans l'avenir
Paraît déterminé ?
Celui que nous jugeons
Et paraît devant nous
Est-il damnable ou non,
Et que donc savons-nous ?
Quel procès engager,
Et qui est responsable ?
De « -l'acquis- ou -l'inné- »
Lequel est inculpable ?
Pourra-t-on convoquer
La « nature » à l'audience
Qui force à déférer
À son arborescence ?
Quelles preuves produire
Quand tout semble invisible,
Le meilleur et le pire
Toujours imprévisibles ?
Si ce n'est l'immanence
Et son élan vital,
Quelles sont donc les puissances
Qui conçoivent le mal ?
Pourra-t-on lire un jour
À la psyché humaine
Comment depuis toujours
Infuse en nous la haine ?
Peut-on imaginer
Décrypter son parcours
Pour ainsi espérer
La dominer un jour ?
Au tribunal du temps
Celui qui comparaît
Me semble depuis longtemps
Le coupable parfait.
Sur la scène de ses crimes,
Théâtre de ses pulsions,
À sa haine assassine
Il cherche des raisons.
Il ne se comprend pas,
Et, son -double agissant-,
Ajoute à son effroi
Tout en le torturant.
Alors, si nous sommes « deux »,
Qui est le meurtrier
Et lequel d'entre-eux
Faudrait-il donc juger ?
Vivre, c'est ne pas consentir
Au chaos de ce monde,
À ses bourreaux qu'inspirent
Leur violence féconde.
C'est savoir réagir
À notre incomplétude
Et apprendre à choisir
Grandeur ou servitude.
L'Homme est inachevé
Loi de l'évolution
Des êtres animés
Et toute la création.
Il n'est qu'un mouvement
Dynamique, une trace,
Qu'emporteront les vents
Dans le temps et l'espace.
À cause et malgré ça,
Devons-nous renoncer
À rêver ici-bas
Une autre humanité ?
La vie semble manquer
Passablement de sens,
Mais à trop renoncer
On conforte la sentence.
Être au monde, exister,
C'est se gouverner-soi-,
Et pouvoir sublimer
La nature et ses lois.
S'insurger, résister,
-Perpétuellement-
Et oser s'affirmer
Unique et différent.
Affronter les regards,
Penser d'après soi-même,
Et, assumant sa part,
Être l'exemple même.
Vivre, c'est oser faire
Un grand pas dans le vide,
Enjambant notre « moi »
Ténébreux, invisible.
C'est aller moissonner
Les champs de la raison,
Tenter de surmonter
Notre humaine condition,
Puis s'apprêter enfin
À d'audacieux voyages
En osant les chemins
Où méditent les sages...
Debout, face au futur,
Enfin tout réécrire,
Et puis sur tous les murs :
Dessiner l'avenir.
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