Feu sur la liberté d’exprimer sa pensée !

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Feu sur la liberté d’exprimer sa pensée !

L’affaire Redeker


Dans cette affaire, ne nous hasardons pas sur le terrain de l’émotionnel. Voyons les faits. Examinons dans quels contextes ils se présentent.

1) Robert Redeker enseigne la philosophie dans un lycée de Haute Garonne. C’est un  auteur  d’ouvrages et d’articles en général très appréciés.

2) Mais voilà que par l’intermédiaire d’une libre opinion publiée le 19 septembre dans Le Figaro et intitulée « Face aux intimidations islamistes, que doit faire le monde libre »,  notre philosophe déclare que « Jésus est un maître d’amour, Mahomet est un maître de haine » et qu’il oppose la « douceur » du christianisme à la « haine  et la violence qui habitent le livre dans lequel tout musulman est éduqué, le Coran ».

3) Cette affaire survient dans un contexte international d’exacerbation des pulsions religieuses, portées par des cléricalismes persuadés de détenir des vérités révélées à imposer comme normes de la vie publique et des conduites personnelles.

4) Pour ce qui nous concerne, nous républicains, laïques et  français, l’échec des modèles multiculturels communautaristes (britanniques et hollandais notamment), échecs reconnus et assumés par les puissances publiques de ces nations amies, nous conduit  à encore plus valoriser à son juste prix la paix religieuse que la neutralité de la République laïque nous offre depuis 1905.

5) A un moment où les musulmans de France confirment, sondages après sondages, leur attachement au modèle laïque que garantissent nos institutions républicaines (dernier sondage CSA en date du 21.09.06 : 73% des musulmans de France sont pour la séparation de l’Etat et des religions et 91% pour l’égalité entre hommes et femmes) on comprendra aisément qu’un républicain français ne saurait être d’accord avec Redeker qui considère en somme les musulmans de France « haineux et violents » car « éduqués par le Coran » , alors que le christianisme ne serait  qu’ « amour » !

6) En leurs temps Voltaire et Edgar Quinet surent dire leur fait aux religions  musulmanes et chrétiennes qui prétendaient détenir le pouvoir  de décider du  « vrai », du « bien » et du « beau » dans le quotidien des vies privées et publiques. « Ecrasons l’infâme » dira le ferneysien. « Entre l’Etat et l’Eglise il faut choisir, c’est laïcité ou barbarie » lui répondra le bressan en écho.

7) Certes n’est pas Voltaire ou Quinet qui veut. Et, ce qui du coup rend Redeker « historique », ce n’est pas la hauteur philosophique de ses écrits en cause aujourd’hui mais les menaces de mort à son encontre,  émanant de la mouvance d’Al-Quaida, qui les sanctionnent.

8) Le voici qualifié de « porc » par cette secte, qui  publie son adresse et sa photo et veut lui faire subir le sort de Theo Van Gogh, assassiné le 2 novembre 2004 à Amsterdam.

9) En attendant, Redeker se cache, change de domicile tous les soirs et vit sous la protection de la police. Tel Salman Rushdie qui dû se cacher pendant 15 ans en Grande Bretagne sous protection policière.

10) Une fatwa,  promulguée par des intégristes fanatisés fait donc de  Robert Redeker un proscrit, un banni, chez lui, chez nous, en France. Et du même coup tend à proscrire, à bannir, nos libertés fondamentales de liberté de conscience et de pensée comme d’expression.

11) Hélas, d’aucuns en France et ailleurs en Europe sont subjugués par ceux qui agitent de prétendues "lois" religieuses. En toute démission citoyenne, démocratique et politique,  ils s’érigent en « conseilleurs » de profil bas afin d’éviter toute  « provocation » susceptible de réactions violentes de la part d’intolérants sectaires.

12) Ce blocage mental vis-à-vis de la liberté d’expression a pour résultat de hisser le drapeau blanc avant l’apparition d’une quelconque menace.

Ainsi en Allemagne où s’autocensure l’Opéra de Berlin en annulant les représentations d’Idoménée, de Mozart, au motif que cette pièce montre les têtes coupées de Jésus, Boudda et Mahomet.
Ainsi en Angleterre où s’autocensure la White Chapel Art Gallerry en écartant une dizaine de dessins de l’artiste surréaliste Hans Bellmer (1902-19775) au motif qu’ils « pourraient choquer les musulmans des quartiers populaires ».

Ainsi en France où Monsieur Sarkozy qui, dans le cadre de son programme idéologique de fond : « préférer l’espérance religieuse à l’espérance sociale »,  incite  ses amis députés Raoult et Rombaux à proposer la  réactivation du délit de blasphème.

Ces coups, que d’aucuns cherchent à porter à cette liberté fondamentale de critiquer les religions si bon nous semble, vont dans le sens de ce que réclament certaines organisations musulmanes qui refusent le droit à la caricature et à l’irrévérence… alors que  Monsieur de Robien, Ministre de l’Education nationale, manque à son devoir élémentaire de déposer une plainte contre X pour menaces de mort contre Robert Redeker, l’un de ses fonctionnaires.

13) De telles postures sont insultantes à l’égard des croyants comme à l’égard des non-croyants. Chacun doit avoir toute liberté d’exprimer ses opinions. C’est  la condition primordiale du nécessaire dialogue entre toutes les cultures qui fondent la richesse de la société humaine.

14) Cela dit, il nous faut certes défendre et promouvoir notre pacte républicain d’égalité des droits et son corollaire, notre laïcité républicaine. Ils sont  le creuset de notre « vivre-ensemble ». Mais il nous faut aussi agir vite et fort pour qu’effectivement les conditions d’égalité de droit au travail et au logement pour tous les citoyens français soient remplies. Faute de quoi, dérives délinquantes et sectarismes religieux ne sauraient que croître et embellir. La  seule politique du « bâton » n’étant qu’aveu d’échec.